Lycéens et apprentis au cinéma en Normandie

L’Atelier critique propose aux élèves de Normandie de publier des travaux critiques dans le cadre de l’opération Lycéens et apprentis au cinéma en Normandie. Articles, débats audio, critiques vidéo et créations graphiques sont mis en ligne par les enseignants inscrits afin de permettre aux élèves de partager leur expérience de spectateur et de mettre en débat leurs réflexions sur les films.

Yeux sans visage

de Georges Franju - France - 1960

Critique publiée par Elaura.A - le 05/02/2015
Première L, La Morandière ,
Granville

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Les Yeux Sans Visage(s)

Les Yeux Sans Visage est un film fantastique de Georges FRANJU datant de 1960 avec P. BRASSEUR, A. VALLI, E. SCOB et J. MAYNIEL principalement. L’intrigue du film tourne autour d’un docteur, le docteur Génessier, qui souhaite redonner un visage correct à sa fille, défigurée lors d’un accident de la route causé par son propre père dans lequel la mère de la jeune femme est décédée. Alors que le docteur travaille sur la greffe de tissus, ce même docteur et Edna, son assistante, vont tenter de greffer un nouveau visage à Christiane Génessier ; plusieurs essais vont échouer aux frais des jeunes femmes servant de cobayes. Une courte période va nous faire miroiter un arrêt des activités illicites des deux acolytes. Les deux cruels protagonistes vont tout mettre en œuvre pour réussir leur dessein.

L’histoire imaginée par Jean REDON et adaptée pour l’écran par Pierre BOILEAU et Pierre AYRAUD -dit Thomas NARCEJAC- , deux auteurs novateurs de l’époque qui signaient régulièrement leurs livres conjointement, est plutôt intéressante et touche toutes les époques. Par exemple, aujourd’hui dans une société tournée vers le physique et l’apparence ce film fait écho à de nombreux problèmes actuels : la course à la perfection extérieure, la chirurgie esthétique, etc...

Certains passages tels que la fin par exemple relèvent plus du conte et de ce fait déconnectent le film de la réalité, réduisant ainsi son impact auprès du public. Ces scènes, quelque peu invraisemblables, détonnent avec la violence crue que l’on peut également voir dans Les Yeux Sans Visage.
Cette brutalité est visible quand le corps est jeté dans la rivière à la fin de la première scène, ou bien encore lors de la transplantation du visage sur Christiane. Ce décalage est également créé par l’important jeu sur les lumières mis en place par le réalisateur. Christiane est de cette manière assimilée à la clarté et à la couleur blanche, symbole traditionnel d’innocence et de pureté, alors que le docteur est associé au noir, à l’obscurité et aux ombres. Elles sont les allégories manichéennes du Bien et du Mal. Le hors-champ utilisé par la cinéaste est tout aussi intéressant car cela crée une atmosphère oppressive avec ces aboiements de chiens qui nous sautent aux oreilles et dont on ignore la provenance, cette sensation est accentuée par le grand nombre de portes – elles sont au nombre de sept – que doit franchir le docteur pour parvenir à sa fille recluse dans sa chambre.

C’est cette forme particulière qui a rendu ce long-métrage culte. De plus, il était choquant et novateur à sa sortie. Son réalisme troublant fait lui-aussi partie de sa réussite, sa ressemblance avec les faits-divers fait de ce film une des rares grandes réussites françaises dans le genre fantastique.

Les Yeux Sans Visage c’est avant tout une histoire symbolique. Prenons d’abord les masques, ils sont synonymes dans l’opinion publique d’inconnu. Pour Christiane, ce masque est censé être une étape intermédiaire - d’après son père en tout cas - , mais il est une barrière et nous empêche de voir immédiatement qui elle est. Il la rend inhumaine et son visage indécryptable à cause de ce masque blanc et inexpressif.
Le docteur et Edna ont, eux, des apparences sociales qu’ils conservent jusqu’au dernier moment. Ces masques impassibles font ressortir un second point important de l’œuvre : les regards des personnages. Ceux-ci révèlent les pensées ou tout du moins ce à quoi elles tendent. On peut, par exemple, voir dans les yeux de Christiane la tristesse et la lassitude qu’elle ressent devant ces expériences ; parfois, on y voit même de la peur voire de l’effroi.
Le docteur lui, protège la seule seule qu’il ne peut pas contrôler avec ses lunettes mais son regard affiche tout de même sa détermination et sa cruauté ; il donne l’impression au spectateur de ne pas se rendre compte des conséquences que ses actes induisent.
Edna quant à elle, ne semble pas beaucoup plus sensée que le médecin, mais elle éprouve, ou tout du moins semble éprouver, une certaine satisfaction et un certain plaisir à chasser ses nouvelles proies. Ce dernier point nous amène à un autre aspect de Les Yeux Sans Visage. Les victimes de cette cruauté sont aussi les animaux car ils sont les cobayes réels de ces expériences : ils permettent au docteur de se faire la main et sont enfermés jusqu’à leur libération par Christiane lorsqu’elle s’évade elle-aussi de sa prison.

Au final, mon avis sur ce film est plutôt mitigé car le fond est bon, la forme également malgré quelques petits détails dérangeants. La réalisation et la production devaient à la sortie de Les Yeux Sans Visage être au maximum de leurs capacités techniques mais malheureusement, le film date un peu. Il mérite quand même son statut de réussite et de film culte car il est très intéressant et toujours crédible même à l’heure des post-productions de synthèse, effets spéciaux, retouches numériques et autres artifices visant à un meilleur rendu final du film.
Je dirais que ce film est un incontournable même si son âge et quelques photos et images peuvent un peu rebuter le potentiel spectateur.