Lycéens et apprentis au cinéma en Normandie

L’Atelier critique propose aux élèves de Normandie de publier des travaux critiques dans le cadre de l’opération Lycéens et apprentis au cinéma en Normandie. Articles, débats audio, critiques vidéo et créations graphiques sont mis en ligne par les enseignants inscrits afin de permettre aux élèves de partager leur expérience de spectateur et de mettre en débat leurs réflexions sur les films.

Lisa

de Lorenzo Recio - France - 2007

Critique publiée par Sophie Fogelgesang - le 07/02/2015
Première L, La Morandière ,
Granville

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Un Ogre et sa fille

Lisa est un court-métrage de 19 minutes en noir et blanc réalisé par Lorenzo Recio en 2008. Fantastique, il est d’un style peu commun au genre. En effet, il se démarque par la singuliarité des personnages, dont les jeux d’acteurs reposent principalement sur le langage corporel et la façon d’être plus que sur les paroles, dans un film presque muet. Si les personnages ont chacun un caractère bien défini, celui qui ressort le plus est sans conteste le personnage de Lisa, dont le film porte le nom.

Vivant avec un père violent qui martyrise toute sa famille, faisant régner un ordre parfait selon ses désirs, Lisa, qui représente la lumière, s’échappe de cette brutalité paternelle symbolisé par l’obscurité en s’enfuyant dans un monde imaginaire symbolisé par les (très) nombreuses cachettes de la jeune fille,dans lesquelles elle dissimule des objets, des photos qui créent un univers dont elle seule a l’accès. Le court métrage prend place en Amérique, entre 1900 et 1940, difficile de donner une date précise.
Ce petit film regorge de références tels que Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, où Lisa peut clairement être identifiée à Alice notamment par son lien avec les animaux, ainsi que des photographies de fillettes faites également par Lewis Caroll qui peuvent correspondre au personnage de Lisa. Mais on retrouve aussi une connotation très forte à La nuit du chasseur, du livre du même nom, un film en noir et blanc de 1955 réalisé par Charles Laughton en Amérique et qui conte l’histoire d’un beau-père violent. Le père de Lisa fait également penser à l’ogre du Petit poucet, un conte de Charles Perrault, par sa brutalité, sa violence et le fait qu’il finit (involontairement dans le conte) par égorger ses propres filles pour pouvoir les manger.

Le récit est construit de façon à ce que le spectateur laisse libre cours à son imagination quant à l’interprétation symbolique de l’histoire, guidée par une mise en scène qui insinue les violences du père plus qu’elle ne les dévoile, les rendant encore plus terribles. La musique du film s’accorde avec la mise en scène, avec une musique artificielle signifiée par le disque demandé par le père pour couvrir la terreur qui règne dans la maison, insistant sur l’absence de dialogues tout le long du film.

On distingue d’ailleurs un paradoxe frappant entre le père et Lisa. Lisa représente la lumière et son père la brutalité. Mais Lisa incarne aussi l’innocence, les grands espaces, la clarté et la blancheur, tandis que son père contraste totalement en représentant la perversion, les lieux clos, l’enfermement, la terreur... A la fin du court métrage, Le père poursuit Lisa, sûrement dans le but de la tuer. L’obscurité du père envahit donc le territoire de la fille, représenté par la nuit qui tombe.

Mais c’est quand le père gît par terre, le crâne ouvert que la dimension symbolique du film prend tout son sens. En effet, Lisa remarque qu’une photo dépasse de la plaie béante du crâne de son père, et voit qu’il s’agit d’une photo de son enfance. Elle se met alors à retirer toutes les photos et tous les objets enfouis dans la tête de son bourreau et les remplace par ses objets et ses photos cachés à elle. L’interprétation de cette scène varie selon celle qu’a décidé de lui donner le spectateur, mais le symbole des objets et des photos dans la tête laisse majoritairement le public s’accorder sur leur rôle de souvenirs. Lisa cherche donc à refaire son père à sa façon, afin d’éloigner à tout jamais cette brute violente qu’il était avant. Malheureusement, ou heureusement, tout dépend de l’interprétaion donnée, cela enlève toute volonté à son père, qui donne l’impression d’être une coquille vide. Il finit par partir de la maison, poussé par Lisa (au sens littéral mais aussi métaphorique du terme car elle pousse au large la barque dans laquelle son père se trouvait). Là encore l’interprétation que l’on peut donner à cette scène depend de chacun, mais la morale de l’histoire est tout de même triste et amène le public à se questionner, à réfléchir sur ce qu’il a vu.

Ce court métrage a pour but principal de faire réfléchir ses spectateurs en utilisant pour arriver à ses fins une vision symbolique, métaphorique du sujet traité, celui d’une famille, dont une petite fille, martyrisée par le père. J’ai apprécié ce film car il offre une vision large de son interprétation, différente pour chacun. Le silence pesant sur la maison insiste sur la monstruosité de ce qui s’y cache, jouant plus sur le psychologique que sur le vu. S’en dégage un résultat plus fort qui permet à tout le monde de ressentir quelque chose et de se questionner sur ce qui se passe dans cette maison.