Lycéens et apprentis au cinéma en Normandie

L’Atelier critique propose aux élèves de Normandie de publier des travaux critiques dans le cadre de l’opération Lycéens et apprentis au cinéma en Normandie. Articles, débats audio, critiques vidéo et créations graphiques sont mis en ligne par les enseignants inscrits afin de permettre aux élèves de partager leur expérience de spectateur et de mettre en débat leurs réflexions sur les films.

Sentiers de la gloire

Stanley Kubrick - Etats-Unis - 1957

Critique publiée par G.L - le 19/12/2017
Premiere S2, La Morandière ,
Granville

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Une dénonciation saisissante des injustices de la guerre

« Les Sentiers de la gloire » de Kubrick est un film de guerre qui suit la vie de soldats dans les tranchées lors de la Première Guerre mondiale. Les personnages principaux dont nous suivons les interactions sont le général Mireau, qui ordonne la prise d’une base militaire allemande, et le colonel Dax, à la tête du 701e régiment qui mène cette bataille. Malheureusement, mais sans réelle surprise, l’attaque est un échec cuisant causé par le repli forcé. Cela n’est pas au goût du général qui décide de fusiller des soldats. Officiellement pour acte de lâcheté au combat, officieusement pour l’exemple afin de bannir toute velléité de désobéissance de la part de ses hommes. Dans son complexe de supériorité nettement affirmé, il va faire grâce de la vie sauve à plus d’une centaine de soldat en acceptant de n’en fusiller que trois. S’ensuit alors un procès expéditif qu’on ne peut qualifier que d’injuste, à l’issue duquel les trois soldats innocents, choisis au hasard par leurs camarades, seront jugés puis fusillés.

Ce film a une nette visée critique de cette pratique lors de la Première Guerre mondiale : « les fusillés pour l’exemple ». On n’est d’ailleurs pas sans se rappeler les conditions pénibles dans les tranchées. Conditions qui sont rapidement devenues inhumaines à mesure que la lassitude envahissait le front. Ils ne voient plus la fin de la guerre et comme le montre la séquence du film où un soldat se fait gifler et évacuer parce qu’il partage sa peur de mourir. Quelque chose d’aussi humain qu’est la peur de mourir, est immédiatement bannie pour éviter des mutineries. Ici se dessine la dénonciation des pratiques violentes en temps de guerre pour tenter de garder un contrôle sur le moral des troupes.
De plus, la séquence de l’inspection du général Mireau est filmée en travelling arrière et en contre-plongée montre sa position de supériorité en comparaison des soldats qui se tassent contre les murs des tranchées. Le général ne s’arrête que brièvement et à chaque fois ces paroles traduisent une incitation à la violence, notamment avec cette réplique magistrale : « Prêt à tuer des allemands, aujourd’hui ? » qui est répétée deux fois. Cette supériorité qui semblait justifiée par son rang dans un premier temps m’a finalement semblé incongru au vu de ses actions tout au long du film. Je ne peux que concéder le fait qu’il possède un grade supérieur à celui d’un « simple » soldat, pour autant son attitude s’assimile plus à celle d’un gamin capricieux qui est vexé de ne pas avoir réussi à prendre la base allemande comme il l’aurait souhaité. Son rapport de domination avec les troupes est surfait car il délègue la responsabilité de l’échec sur une supposée lâcheté de ses soldats. Le seul véritable coupable n’est autre que lui, qui a accepté de mener cette bataille alors qu’il la savait perdue d’avance. Mais, le plus lâche de tous n’est-ce pas celui qui refuse d’assumer la conséquence de ses actes. D’autant plus que cette lâcheté est réfutée par l’image qui est donnée des soldats pendant l’assaut. On suit leur avancée de près malgré la caméra en plan large qui donne une vue d’ensemble du no man’s land. Les soldats persistent dans leur avancée bien qu’ils voient leurs camarades tomber comme des mouches sous les coups de feu incessants de l’ennemi.
Par ailleurs, le colonel Dax, bien qu’il fasse son possible pour sauver ses trois hommes de la fusillade, n’est pas pour autant hissé au rang de héros. Sans doute, n’est-ce qu’une impression personnelle mais il m’a semblé qu’il apparaissait plus comme une victime intermédiaire d’un système politique et militaire essentiellement basé sur la pression infligée à son subordonné, après avoir subie celle de son supérieur hiérarchique. Dax tente de lutter contre un consensus militaire interne qui cautionne des violences envers les personnes de son propre camp au nom de la victoire. D’ailleurs, la bande-son est orchestrée d’une main de maître ajoutant ainsi une touche pessimiste, militaire et pathétique à l’atmosphère sombre du film.

« Les Sentiers de la gloire », chef d’œuvre du cinéma et censuré en France à cause du message fort qu’il véhicule : une dénonciation saisissante de la violence et de l’injustice des traitements lors de la guerre. Bien que le contexte soit la Première Guerre mondiale, l’arrière-plan historique s’efface pour ne laisser au spectateur qu’une sensation de reproche généralisée à toutes les guerres. Il devient alors vecteur d’un message à visée universelle et je ne saurais que le conseiller à tout type de spectateur, sous réserve de ne pas être trop sensible à la violence contenue de ce film.